Les amants maudits

Les amants maudits

von: Venusia A.

Lotus Platinium, 2018

ISBN: 6610000100330 , 358 Seiten

Format: ePUB

Kopierschutz: DRM

Windows PC,Mac OSX geeignet für alle DRM-fähigen eReader Apple iPad, Android Tablet PC's Apple iPod touch, iPhone und Android Smartphones

Preis: 4,90 EUR

Mehr zum Inhalt

Les amants maudits


 

Chapitre 1


Pittsburgh, de nos jours…

– On dirait que tu viens de voir un revenant, Loyola.., se moqua gentiment le lieutenant Chauncey Svarowski en se faufilant sous le cordon de sécurité qu’un agent retenait pour lui.

Le teint blême de la jeune femme le surprit quand on savait que Melba Loyola avait bien plus de couilles que la plupart des gars de la division des enquêtes criminelles. En huit ans au sein de la brigade, il ne l’avait jamais vue si pâle sur une scène de crime. Elle redressa le menton, les mains sur les hanches et lui jeta un regard noir :

– On en reparlera quand tu sortiras de là, Chance.., fit-elle en désignant la porte du local désaffecté derrière elle.

– À ce point ?

– Des cacahuètes pour le mangeur de larves géantes de Survivor1, ça te parle ?

L’humour de sa collègue frisait parfois le mépris, une forme de façade derrière laquelle la jeune femme se cachait souvent. Chance déglutit péniblement, conscient de ce qui l’attendait à l’intérieur. Probablement quelque chose de grouillant dont il imaginait déjà le son humide.

L’officier gardant l’entrée se décala afin de le laisser passer en le saluant d’un signe de tête. Dès qu’il mit un pied dans le gigantesque local, Chance fut assailli par l’odeur de putréfaction, ce qui confirma ce qu’il redoutait. Il avait toujours eu du mal à gérer les cadavres en décomposition, ou plus exactement, cet enfoiré d’estomac capricieux n’appréciait pas du tout.

À l’intérieur, les tas de détritus s’entassaient au milieu de l’outillage rouillé de ce qui semblait être autrefois, un atelier de réparation pour poids lourds. Ce lieu, parmi d’autres nombreux locaux abandonnés des environs, servait de point de ralliement à toute la faune nocturne du secteur. Beaucoup de vagabonds, de toxicomanes et de trafiquants de toutes sortes traînaient dans le coin.

Chance qui s’habituait à la pénombre d’où suintait une humidité malsaine, perçut l’odeur de moisissure au second plan. Il avança jusqu’aux abords de la fosse mécanique surplombée par une série de projecteurs sur pieds dont le faisceau était dirigé vers l’intérieur. L’équipe scientifique gravitait autour du trou. En approchant, l’émanation putride s’intensifia. Tel un diable en boîte, la tête de Korey Fleming, le médecin légiste, émergea brusquement de la fosse en souriant :

– Il me semblait bien avoir reconnu ta voix, gamin…

– Comment va, Doc ?

Comme à son habitude, l’homme aux cheveux grisonnants haussa les épaules en guise de réponse. Alors qu’il s’agenouillait devant lui, celui-ci lui tendit un masque d’hygiène que Chance prit sans hésiter afin d’atténuer les effluves nauséabonds, puis il jeta un œil à l’intérieur avec appréhension.

Le corps était couché dans l’eau stagnante. Quant au visage baignant en partie sous la surface, il était méconnaissable. Il grouillait littéralement sous les asticots et autres insectes répugnants. Chance bloqua son souffle le temps de retenir un haut-le-cœur qui souleva son estomac délicat.

– Respire par la bouche, conseilla le légiste.

Il opina, et pressé d’en finir au plus vite, il le questionna sans se faire d’illusion quant aux réponses, compte tenu de l’état du corps :

– Depuis combien de temps est-il là ?

– Difficile à dire, mais plus de dix jours si j’en crois le stade larvaire de ces fabuleux Staphylinidés, révéla Fleming en lui mettant sous le nez un tube transparent contenant ses échantillons prélevés sur le cadavre.

Le vieil homme ricana devant son recul et sa mine de dégoût. Connaissant cette petite faiblesse, il ne manquait aucune occasion de provoquer ce grand gaillard.

– Étant donné la popularité de ce coin, je suis plutôt étonné que personne ne l’ait trouvé avant, commenta Chance.

– La fosse mécanique était fermée, expliqua Fleming en pointant le tas de planches épaisses servant à recouvrir celle-ci. C’est un vagabond des environs qui a signalé le corps, ajouta-t-il en montrant l’individu qui sortait du local avec un officier.

– Que pouvez-vous me dire à son sujet ? demanda-t-il en désignant le cadavre.

– Très peu de choses. Il s’agit d’un homme plutôt jeune, je dirais entre 16 et 35 ans, de type caucasien. Il a reçu plusieurs coups de couteau sous les côtes, mais de toute évidence, ce n’est pas la cause de la mort. Aucun papier sur lui. Pas de portefeuille ni clés ; absolument rien. C’est tout pour l’instant.

– Très bien, merci. J’attends votre rapport, Doc…

L’homme opina silencieusement et se remit au travail tandis que Chance enlevait son masque et se dirigeait vers l’extérieur, heureux de fuir ce cloaque.

Après l’averse du matin, le peu de soleil qui tentait de percer à travers les nuages en ce mois de janvier lui fit du bien. Il respira profondément l’air froid, plusieurs fois, afin de chasser l’odeur tenace dans ses narines. Dès qu’elle l’aperçut, sa collègue se dirigea vers lui en s’amusant de son teint probablement aussi blême qu’elle, un peu plus tôt. Fort heureusement, elle ne fit aucune allusion à son état et exhiba devant ses yeux un sachet plastique avec une carte bancaire à l’intérieur. Il la dévisagea d’un air interrogatif.

– C’est le sans-abri qui l’a trouvée près de la fosse.

– Où est-il ?

Loyola lui montra l’ambulance stationnée derrière le cordon de sécurité.

– État de choc, je suppose ?

Elle acquiesça, la mine attristée. Chance comprit la raison de cette expression lorsqu’il approcha du véhicule. Assis à l’arrière, se tenait un jeune, recroquevillé sur lui-même. Il serrait fermement contre lui, la couverture de survie en grelotant.

– Bon sang ! Il a quel âge ?

– Tout juste dix-huit, répondit sa collègue en consultant son carnet de notes. Il s’appelle Evan Norton, né, ici même à Pittsburgh. Sans domicile depuis plus d’un an. Il a refusé de me dire où vivait sa famille, bien sûr.

– Bien sûr, répéta Chance.

D’après sa collègue, il n’avait pas le profil du fugueur. De deux choses, l’une : soit il fuyait la violence du foyer et préférait se faire oublier, ou alors, ses parents l’avaient jeté à la rue. Chacune des hypothèses le mettait hors de lui. Chance était prêt à tuer de ses propres mains de tels irresponsables.

Tout en montrant sa plaque, il sonda du regard la secouriste qui opina son accord pour l’interroger. Elle ajouta :

– Il devrait se sentir mieux d’ici quelques instants.

Chance comprit qu’elle lui avait administré un tranquillisant. Il attendit qu’elle s’éloigne et demanda à sa collègue d’aller lui chercher du café et un beignet.

– T’es sûr ? s’étonna-t-elle après le spectacle peu ragoûtant qu’ils venaient de voir.

D’un simple regard, il lui fit comprendre que ce n’était pas pour lui. Melba s’inclina tout en réalisant qu’il voulait certainement rester seul avec lui afin de le faire parler plus facilement. Le lieutenant Svarowski avait toujours eu le contact facile avec les gens, qu’ils soient témoins ou suspects. Ce qui n’était pas son cas à elle qui les fuyait avec plaisir chaque fois que c’était possible. Tout le monde n’avait pas l’art de convaincre comme lui. Il fallait reconnaître qu’avec ses yeux verts bienveillants sur un visage aux traits séduisants, il attirait immédiatement la sympathie, ou bien on succombait à son charme pour le peu qu’elle en savait en matière d’homme.

– Loyola ?

Elle se secoua mentalement et répondit :

– Oh. Oui, bien sûr…

– Prends ton temps !

Chance s’assit aux côtés du jeune homme qui lui jeta un regard de biais et se recroquevilla davantage.

– Bonjour, Evan. Comment vas-tu ?

– J’ai déjà dit tout ce que je savais, croassa-t-il d’une voix éraillée sur la défensive.

– Détends-toi, mec… Tu n’as rien à craindre, d’accord ?

Le visage juvénile marqué par des taches de rousseur se tourna vers lui et le fixa de ses grands yeux bleus exprimant un mélange de crainte et de défi. Il inspira puis, résolu à se répéter, il débita son récit sans interruption :

– La carte bancaire, commença-t-il en grelotant. Elle était par terre, près de la fosse. Ce matin, il s’est mis à pleuvoir des cordes, alors je suis rentré ici pour m’abriter en attendant que l’averse passe. C’est compliqué de faire sécher ses vêtements mouillés sans chauffage, expliqua-t-il. Dans mon squat, on n’a pas ce luxe. Puis, ça prend trop de temps et ça pue. Enfin, bref… C’est là que je l’ai vue, au sol. Quand je me suis approché, j’ai senti l’odeur. Pas au début parce que j’ai la crève. Ça venait de dessous les planches. J’ai tout de suite voulu savoir si c’était un animal. J’ai déjà vu des types enfermer des chiens dans des fosses et les laisser crever de faim puis leur jeter un os histoire de voir lequel d’entre eux survivra au combat, juste pour le plaisir d’en rire, expliqua-t-il avec les mâchoires crispées. Je me suis dit qu’il y en avait peut-être d’autres en vie et agonisants, alors, j’ai soulevé la première planche. Avec la lampe de mon portable, j’ai aperçu un pied… Je pensais au début que c’était juste une chaussure abandonnée puis, en regardant de plus près, j’ai découvert le reste, dit-il en déglutissant péniblement. J’ai immédiatement appelé le 911. C’est...